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Rencontre improbable entre l'univers olfactif et l'univers sonore, Parfum sonore des îles est un projet de création de Yannick Guéguen alliant design numérique et art sonore.

Lors de sa résidence de création, l’artiste-designer a identifié des lieux et des moments singuliers du paysage sensoriel et mémoriel des Îles-de-la-Madeleine pour les traduire en « parfums sonores » : chaque sonorité évoque des effluves marquant le souvenir.

PARFUM SONORE Nº01

Aller aux Îles
Y retourner pour créer des parfums sonores
Des parfums intangibles
Contenus dans des emballages graphiques
Aux formes géométriques
Avoir trop de bagages remplis de microphones
Une tête binaurale
Payer un supplément
Prendre place dans un avion étroit
Voir la cabine et le pilote
Observer les différents cadrans
Repérer l'altimètre
Écouter les contrôles avant le démarrage
Les vibrations lancinantes
Atterrir, décoller, atterrir, décoller, atterrir
Les drapeaux qui claquent en sortant de l'aéroport
Les manches à air, les couleurs vives
Les bagages qui pèsent plus lourd au retour qu'à l'aller, même si l’on ne rapporte aucun souvenir
Au retour, attendre avec les travailleurs mexicains arrivés aux Îles.

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PARFUM SONORE Nº02

Par rapport aux milieux sonores
Par rapport à la mer
C'est plus au bord des falaises
C'est la vague qui s'engouffre dans les crevasses
Ce bruit là sourd
Plus que la vague qui casse sur la plage
Elle, c'est plus un bruit blanc
Tandis que dans les falaises, c'est un bruit sourd
C'est plus sombre
C'est un son marquant
Parce que c'est à la fois effrayant
Parce que c'est les profondeurs de la mer, aussi
C'est les choses que l’on n'a pas accès
C'est peu accessible
Même s'il vente très peu, ce bruit-là, ce bruit sourd et profond
Il est là même si le vent n'est pas important, il est toujours là
J'y suis né et j'y habite.

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PARFUM SONORE Nº03

Je me souviens d'une très longue marche sur le sable
Une petite bouteille d'eau, une carte touristique sans échelle, pas assez de crème solaire
20 kilomètres plus tard, je suis revenue en auto-stop
Une odeur de chien, celle de la banquette arrière de la voiture quand j'ai rejoint la route
De L'Étang-du-Nord jusqu'à Bassin par la plage du Corfu
C'était le début de la fin de la haute saison et le début d'un vent de fraîcheur
Une journée complète, c'était la première journée de ma vie que je passais aux Îles
Je devais être rendue plus près de Bassin que de mon point de départ
Je continuais
Comment ferais-je pour passer la nuit en plein air, si cela devait se produire ?
Un grand sentiment de liberté, un peu d'inquiétude, à la fin
L'odeur des algues plus que celle de la mer
De la chaleur, de l'été, de ma peau brûlée
Mes pas dans le sable très mou et très chaud
Sable lent, bruit de mes pas
Vent léger, vagues omniprésentes
Son stable, linéaire, parsemé de cris de goélands
Le territoire ici me permet de mieux habiter mon corps.

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PARFUM SONORE Nº04

Souvenir d'un autre lieu (Irworobongdo)
Une carte coréenne dénichée d'un voyage à Séoul
Mouvements de l'eau immortalisés
Deux cascades symétriques qui forment ensuite des jaillissements
Comme de petits fantômes surgissant entre les vagues
Une symétrie moléculaire
Tout semble se confondre
On ne sait plus où débute ni prend fin l'eau
Tout semble calculé et mesuré
Les terres sont ordonnées jusqu'à ce que l'humain brise cette harmonie
Tu es lune blanche et moi soleil rouge sang !
Je me lève quand tu t'endors
Nos regards se croisent furtivement
Nous vivons en parallèle
En écoutant les cours d'eau des territoires qui se jettent dans l'océan.

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PARFUM SONORE Nº05

La forêt magique du parc de Gros cap
Une cathédrale où chantent les fées et les lutins
Dans la forêt de rabougris
Longer la clôture située du côté sud du bâtiment nommée l'Étoile
Marcher jusqu'à la pointe face à l'île d'Entrée
Rentrer dans le petit boisé ou une plateforme est installée
Endroit de ressourcement et d'ancrage
Événement récurrent
Lieu magique et habité
Si proche de la puissance de la mer et protégée en même temps, une cathédrale
L'odeur du genévrier si propre à ce lieu
Un amalgame de résonance brut, soutenu par un son grave tenu comme un bourdon avec des chants polyphoniques
Une flûte qui s'y mêle et des percussions représentant la puissance du vent et du ressac qui s'échoue sur les falaises
Je fais le pont entre ceux qui choisissent de vivre ici et ceux qui y sont depuis toujours.

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PARFUM SONORE Nº06

Ce renard qui chassait dans le foin
J'aurais presque pu le toucher
C'était mon premier matin aux Îles
C'est un souvenir, c'est loin
De l'autre côté de la porte-fenêtre tout près
Il n'y avait pas encore de neige
C'était un instant figé, une vision
Chaque fois qu'il revient, il repart
Il s'éloigne
Quelque chose s'est construit, pendant cet instant
Une durée.

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PARFUM SONORE Nº07

Le sable, le sable, le sable
Les plages, les plages, les plages
L'été
Tout le temps
Toujours un grain de sable avec soi
Craque, croque, réchauffe
Abrite, pique, embête
S'infiltre partout
Odeur de pierres chaudes et de mer
Crissements, craquements, silence
Crissements, craquements, silence
Crissements, craquements, silence
Crissements, craquements
Crissements
Touriste.

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PARFUM SONORE Nº08

Mon arrivée la toute première fois
La grande porte du bateau s'est ouverte
Dehors, des ami.es de chaque côté pour m'accueillir
Il faisait noir et de gros flocons de neige tombaient à la verticale
C'était magique !
Depuis le traversier, là à l’approche de l’île d’Entrée
Au petit matin, car nous avions voyagé de nuit
Je suis sortie sur le pont et je les ai vues !
Pour la première fois aux Îles
Beau soleil, les Îles resplendissaient
Oh là là ! Ce moment a profondément transformé ma vie
La même émotion m’enivre depuis ce jour chaque fois que j’arrive aux Îles
J’ai senti qu'enfin j’arrivais à la maison
Un immense cri est sorti du tréfonds de mon coeur et des larmes d’un bonheur immense ont coulé sur mon visage
Mes enfants et mon conjoint m’ont regardé avec de drôles d’yeux !
Je me rappelle l’odeur de l’eau, l’odeur du vent
L’odeur de la joie indescriptible
C’est spécial, c'est ce qui m’a le plus marqué
C’est cette « voix » intérieure qui me disait: « un jour j’habiterai ici »
J’espère que c’est aux Îles que je vivrai mon dernier souffle
Mon âme emmènera alors cette senteur de liberté.

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PARFUM SONORE Nº09

Très loin sur la dune du Nord, dans le bout de la Mine de Sel
Avec 3 amis, camping sauvage pour 5 jours
Au total, plus de 100 personnes nous ont visités
Certains sont demeurés avec nous, d'autres n'ont fait que passer
Notre camping sauvage ressemblait à ce que nous avons baptisé : Woodstock sur la dune !
Tous ceux et celles qui ont vécu l'événement s'en souviendront pour la vie !
En plein coeur de l'été
Cinq jours et nuit de vie sauvage et d'abandon total
Cueillir des coques pour se nourrir, ramasser des petites fraises sauvages
Baignades, pleine lune, feu de camp, musique
Vent calme, tout était parfait, la mer, l'odeur du grand large, jours et nuits
Une odeur de feu de camp aussi, de liberté, d'infini et de grandiose
Le bruit constant de la petite vague qui casse sur le rivage
Une vague très douce, portée par la brise du vent d'ouest
La musique aussi, les guitares, les voix, le chant des amis, l'harmonie
Le feu de bois de plage qui crépite
Le rire, le rire des enfants, des adultes, des vacanciers, le son du bonheur
J'en suis native, j'appartiens à ce territoire
J'ai une relation d'amour profonde avec la nature sauvage des lieux.

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PARFUM SONORE Nº10

Parcourir le marché
Se saouler des conversations croisées
Entrer dans une église
Une odeur d'humidité
Des mouches mortes ou vibrantes
Apprendre à jouer de l'harmonium
Au bord d'une usine de construction de bateaux
Odeur de résine
L' hélice d'un bateau pour jouer
Et la faire résonner.

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PARFUM SONORE Nº11

Mettre les pieds dans L'eau
Proche de l'étang à Ben
Écouter le pas : ploc, ploc
Le craquement des quenouilles
S'enfoncer
Se faire aspirer
Ne pas y laisser ses bottes
Odeur de vase
De pourriture
Trouver un canot sombré
Jouer avec le poisson gigotant.

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PARFUM SONORE Nº12

Se réveiller dans la nuit
Anticiper le prochain éclair
La chaleur humide
Compter le temps
La maison craque
Se blottir
Murmurer
Attendre le dernier éclair
Le lendemain
Tout oublier.

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PARFUM SONORE Nº13

Visite de la Grave
Une pièce de théâtre
Un Gus qui va sur la lune
J'ai aimé l'âme de la pièce, les jeux de lumière, le rêve
Avoir le droit de ne ramener qu’un seul souvenir
Dans une petite maison en bois, près d'un café
L'odeur de la lampe et de la vieille valise
En été !
Remonter la pente
Aller vers le trébuchet
Lancer un boulet dans le port
Assister avec étonnement
Applaudir
Aimant, aimante rêveuse des vastes étendues calmes, tourmentées.

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PARFUM SONORE Nº14

Enfant, jouer à la cachette dans le foin, me coucher à plat ventre
Sentir la chaleur qui se dégage du sol, de la terre, des brindilles, du trèfle
Espérer arrêter le temps
Pointe-Basse, avec vue sur la butte ronde au coucher du soleil
Avant l'heure des maringouins, quoiqu'enfant, on s'en foutait un peu
Juillet, parce qu'en août le foin est coupé
Jouer dehors
Ramasser les bottes de foin pour construire des débuts de forts d'été
Plusieurs heures par jour, olfactif et rassurant d'une fois à l'autre
Le bien-être ressenti et la légèreté de l'esprit
Le calme de la respiration, les autres enfants plus loin qui cherchent
Le son des pas dans le foin un peu séché, mais souple, parfois qui casse sous le pied
Le chuchotement de l'ami.e caché.e avec moi, les rires étouffés, la respiration par la bouche, douce
Un faible son enveloppé d'un espace restreint et vert, humide, plus interne
Espace clos qui ne résonne pas, qui habite l'espace
Les insectes dans les brindilles, dans le foin haut, les ailes qui claquent, léger froissement
Le vent qui fait onduler la mer d'herbe
Je suis une parcelle de ce territoire, une contemplatrice, un oiseau qui observe et qui prend part au paysage
Je suis bienveillance pour mon territoire, je le laisse vivre et l'encourage à prendre sa place.

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PARFUM SONORE Nº15

Les éoliennes n'existaient pas quand je suis venu la première fois
On m'y a porté
En allant à l'île Boudreau
Sensation d'un flot
Qui brasse l'air
Sons des roches
Que la mer aspire
Corne de brume dans le brouillard
Senteur muette
Lieu qui existe malgré les oppositions
Et la centrale thermique toujours en usage
J'y retourne plusieurs fois pour observer les sonorités des pales dans les masses d'air.

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PARFUM SONORE Nº16

Le bruit du vent constant
Partout, mais particulièrement sur les sommets
Les jours sans vents sont plus marquants
Parler du vent à partir de 20 km/h
Maison qui vibre, qui tremble
Sur les sommets, le vent dans nos oreilles
Le vent est dominant ici
Mais faiblement
Mais il est là, un élément constant
20 km, on ne parle pas de vent
On parle de vent si c'est 60 km ou plus
C'est important
Le vent est un élément agréable
De 10 à 20 km, il n'y a pas de vent
Le vent est plus que dominant, il est imposant
Pas d'images mentales, mais le bourdonnement du vent dans les oreilles, un peu comme le bruit de l'eau quand on nage le crawl
Odeur de la mer
Un humain, une humaine fidèle solitaire
Chaque jour où je peux y être.

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PARFUM SONORE Nº17

Arriver en retard pour la saison du homard
Aube fraîche
Manquer le départ de quelques minutes
Sur le port de Grande-Île
S'en vouloir
Et finalement profiter du moment présent
Quelques retardataires partent vers le large
Dans les cages
Carcasses poissonneuses
Clapotis sur les rebords carrés des quais
Signaux
Voix locales
Mélange de mouettes des usines
Face à l'île Paquet.

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PARFUM SONORE Nº18

Ici la forêt est quand même assez vieille
Surtout des résineux
Le sous-bois a une odeur particulière, à cause des aiguilles
Les feuillus sont rares
Il y avait un endroit où il y avait une concentration d'Érables à épis
C'était une doline, une doline importante, une très grande doline
Et dans cette doline, autour, c'était des Érables à épis qui poussaient
Pour moi cette doline-là a été importante dans mon enfance
Quand on a découvert ça
Car on a découvert qu'il y avait des feuilles d'érable seulement à cet endroit-là
Je n’avais même pas vingt ans, j'avais 15 ans, quand j'ai découvert ça
Les dolines c'est des crevasses, des effondrements
Ça a peut-être 30 mètres de profond, par 100 mètres de diamètre
C'est des dolines, il y en a dans la forêt, coupé du vent
Par la suite, je suis retourné dans les milieux d'enfances qui m'ont marqué
C'était plus accessible à cause de la forêt
C'est un de mes frères qui m'a fait découvrir ça
Par après 12, 13 ans, je suis allé là
Pour aller chercher des feuilles d'érable
C'est des endroits marquant pour moi, pour mon enfance.

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Flèche retour Flèche retour

CRÉDITS

Réalisation & design web : Yannick Guéguen
Photos : Nigel Quinn
Photos portraits : Antonin Monmart
Production & soutien financier : Admare, centre d'artistes en art actuel des îles-de-la Madeleine
Production déléguée : Laurène Janowsky, Colette Daudelin, Janick Burn
Soutien financier : Conseil des Arts et des Lettres du Québec
Merci aux personnes qui m'ont livré leur témoignage